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Qui se cache derrière les logiciels libres ?
Journal du CNRS


vendredi 3 juin 2011

Plongée avec le chercheur Didier Demazière dans les communautés d’informaticiens qui développent gratuitement des logiciels libres.

Voir en ligne : Le journal du CNRS
La communauté des développeurs et utilisateurs de logiciels libres n’est pas que virtuelle. Des rencontres, telle cette Spip-party, sont en effet organisées pour permettre un échange de pratiques.
© FOLAMOOR

En mars dernier est sortie la 4e version du navigateur Web Firefox. Un événement car, depuis décembre, ce logiciel développé par la Mozilla Foundation avec l’aide de centaines de bénévoles est tout simplement le navigateur le plus utilisé en Europe. Ce succès, auquel on peut associer ceux du système d’exploitation Linux et de la suite bureautique OpenOffice, illustre l’essor des logiciels dits libres ou open source, caractérisés par un code informatique ouvert à tous. Mais qui se cache vraiment derrière la création de ces logiciels ? Une étude menée par Didier Demazière, directeur de recherche au Centre de sociologie des organisations1, lève une partie du voile.

Pendant quatre ans, le sociologue s’est fondu dans la commu- nauté qui développe Spip, un système de publication sur Internet utilisé sur des milliers de sites, et qui rassemble plusieurs dizaines de contributeurs réguliers. Avec deux autres chercheurs, il a suivi les conversations sur les forums, participé aux apéritifs et aux ate- liers de travail et interviewé les différents acteurs. « Je voulais comprendre, dit-il, comment on arrive à pro- duire des logiciels concurrentiels avec une organisation du travail atypique : les contri- buteurs sont dispersés, s’engagent bénévolement, ne sont pas liés par des contrats de travail ou des règles de subordination...  »

Les caractéristiques sociales des contri- buteurs et leurs orientations politiques et idéologiques sont aussi très hétérogènes, tout comme leurs activités : « L’écriture du code est certes centrale, mais il faut l’accom- pagner d’une documentation et de traductions pour favoriser sa diffusion, remarque le chercheur. Il faut répondre aux questions des utilisateurs les moins avertis, mais aussi animer la communauté elle-même. » Ces activités s’organisent dans des espaces de travail virtuels qui favorisent le rassem- blement de pairs (Spip-dev, Spip-user, Spip-trad...) et sous la supervision d’un animateur-administrateur, un participant promu à un rang supérieur.

DIDIER DEMAZIÈRECar le monde du logiciel libre n’est pas affranchi de toute organisation hiérarchisée ni de tout contrôle centralisé. « Ce n’est pas le chaudron magique comme l’a popularisé un célèbre informaticien américain, Eric Raymond, souligne Didier Demazière. Il y a forcément de la coordination. » C’est d’autant plus vrai lorsque des entreprises se cachent derrière les logiciels : Google finance la Mozilla Foundation et Oracle a investi dans OpenOffice. « Tous ces projets doivent concilier deux perspectives contra- dictoires : pour que le logiciel soit efficace et pérenne, le mieux est d’avoir un pilotage central, précise le chercheur. Mais pour qu’il mobilise beaucoup de monde, il ne faut pas d’autorité contraignante. »

Le plus grand défi pour ces communautés reste de se maintenir dans le temps. « Cela passe par une socialisation effective, note Didier Demazière. Celle-ci n’implique pas forcément des rencontres réelles, mais signifie partage de valeurs, diffusion de normes communes, production d’une identité collective, autant d’éléments qui contribuent à entretenir l’implication des participants dans le projet  », conclut-il.

1. Unité CNRS/Sciences Po.

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